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L’espoir et le rétablissement, témoignage de Christiane Germain

Présentation de Christiane Germain lord du Colloque de L’UNAFAM SUR L’ESPOIR ET LE RÉTABLISSEMENT

Bonjour à tous. Merci de m’avoir invité à votre colloque. Merci d’avoir invité un membre de l’entourage du Québec. Si l’océan nous sépare, l’espoir nous rassemble.

Le thème de l’espoir en lien avec celui du rétablissement est inspirant. Ces deux concepts sont à mon avis indissociables.

C’est pour cette raison que j’ai choisi en début de prise de parole, d’aborder ce sujet par un bout de ma vie.

 

Une tranche de vie

En 2001 lorsque mon fils Marc-André qui venait à peine de fêter son 18ième anniversaire, a reçu un diagnostic de schizophrénie paranoïde, j’avoue avoir passé une période de désespérance. J’avais l’impression que la fatalité,  poursuivait notre famille. Mon frère avait reçu le même diagnostic en 1982. Et avant lui un de mes oncles maternels avait passé sa vie dans un hôpital psychiatrique (de 16 ans à son décès à 73 ans). Et malgré l’évolution des mentalités, des soins et des services, il n’en demeure pas moins que le choc fut difficile à encaisser.  J’ai passé de nombreuses années à avoir peur et à espérer pour lui.

Pas pour moi! Cela semblait trop égoïste. J’espérais qu’il guérisse! J’espérais qu’il n’entende pas trop de voix, qu’il ne subisse pas les préjugés, qu’il puisse avoir une vie intéressante, qu’il puisse travailler ou étudier etc..etc..

Pendant ce temps, je vivotais tout en travaillant à aider les autres qui comme moi espéraient pour leur proche. Lors d’un groupe d’entraide que j’animais, j’ai subitement éclaté en sanglots. Ce soir-là, j’ai reçu le plus beau des cadeaux.

Je n’étais plus la travailleuse sociale compatissante et forte. J’étais un parent qui souffrait. J’ai décidé, comme le dit l’expression, d’aller faire le tour de mon jardin. De comprendre ce qui faisait que je ne réussissais plus à aimer la vie comme avant, à avoir peur et le pire, qu’à mon insu je projetais mes peurs sur mon fils. Si moi de nature optimiste n’y arrivait pas, je me demandais comment ceux et celles qui sont moins hop! la vie, réussissaient à ne pas tomber malade d’angoisse.

Au fur et à mesure de mon cheminement, j’ai réalisé que tout comme moi, mon fils avait ses forces, qu’il développait une capacité de résilience que je ne lui soupçonnais pas.  Il pouvait aussi aller chercher de l’aide en dehors de moi.

Que son parcours de rétablissement lui appartenait et qu’il serait certes différent de ce que j’avais « espéré » pour lui. Il pouvait tout de même avoir une vie intéressante si… je lui  laissais un peu d’air. Je n’étais pas indispensable à son rétablissement. J’en faisais partie comme plusieurs autres acteurs.

Malgré le réconfort de cette prise de conscience, j’ai vécu une période déstabilisante, pendant laquelle mon cœur de maman s’habituait à laisser aller son emprise sur son grand garçon. Ce fut néanmoins des moments clés pour la suite de mon parcours.

La paix en moi est revenue tranquillement. J’ai recommencé à profiter de ma vie et lui de la sienne, à sa façon avec ses symptômes, ses activités,   son monde intérieur qui n’est pas le mien et avec lequel il apprend à transiger. En ce sens, ne sommes-nous pas toujours en apprentissage?

Oui, l’espoir, est un  élément clé déterminant dans le rétablissement des familles et de leurs proches. Il maintient la motivation et les attentes. Mais auparavant, il faut  se rétablir soi-même afin d’insuffler l’espoir chez notre proche. En un mot, il faut y croire réellement pour que notre proche y croie également.

Si je vous raconte les péripéties d’une tranche de mon histoire, c’est pour dire que nous les parents, les membres de l’entourage, avons tous plus ou moins besoin de nous rétablir. Tout comme pour nos proches, cette démarche est personnelle, singulière. Il n’y a pas une personne qui se rétablit de la même façon. Nous y allons chacun avec notre histoire, nos besoins, notre personnalité nos aspirations et désirs.

 

Petite histoire du concept du rétablissement en santé mentale

En santé mentale, ce terme nous le devons au travail de représentation incessant de nos proches qui vivent avec des problèmes de santé mentale.

Il est apparu en 2005 dans les politiques en santé mentale du Ministère de la Santé et des Services Sociaux.

Le rétablissement est maintenant inscrit et reconnu  au Québec, notamment dans le Plan d’Action en Santé mentale 2015/2020. Dorénavant on parle  de rétablissement personnel qui  mise sur les forces des individus plutôt que sur les manques, les symptômes tels que dans la vision du rétablissement clinique antérieur. Luc Vigneault vous en parlera avec beaucoup plus d’éloquence que moi tout à l’heure.

Le rétablissement des familles :

Je reviens sur le rétablissement des familles. Je ne vous apprends rien lorsque je dis que nous vivons beaucoup de déceptions, de souffrance et de difficultés face aux problèmes de santé mentale d’un des nôtres. Pourtant,  tout comme pour moi,  beaucoup de parents peine à  reconnaître cette souffrance qui devient  à la longue insoutenable.

Les familles peuvent aussi vivre une forme de  stigmatisation par association. Et oui, malgré un net avancement dans les pratiques et les mentalités, il reste encore à faire pour éradiquer les étiquettes, les stéréotypes et les préjugés.

CAP santé mentale qui est la fédération regroupant les 48 associations du Québec, a développé le modèle CAP « client, accompagnateur, partenaire » Sur ce modèle se base les principes essentiels de rétablissement des familles.

Nous avons parfois besoin du soutien des professionnels. D’où le « C » pour « client » Nous pouvons utiliser les services en santé mentale au même titre que nos proches et que tout citoyen. C’est aussi «C »comme dans cœur, pour prendre soin de soi, de ses émotions et de sa capacité à développer la compassion envers soi.

L’aide de nos pairs (associations de familles) est un atout indéniable pour y parvenir. Nous allons y puiser l’énergie pour poursuivre notre route tout en aplanissant les obstacles qui s’y trouvent. C’est là qu’on passe de l’impuissance à la prise de pouvoir sur notre vie.

En se rétablissant on prend conscience de soi et des autres.

On apprend à devenir les « A » accompagnateurs (le A) du  modèle CAP de CAP santé mentale.

Nous pouvons reconnaitre que tout comme nous, nos proches ont leurs spécificités, qu’ils peuvent avoir des besoins et des désirs différents des nôtres et qu’en conséquent ils fondent leur rétablissement sur ces assises.

Nous pouvons les soutenir dans leurs désirs, dans leurs objectifs de vie et dans leur rétablissement. Il est important de dire que le rétablissement ne passe pas nécessairement par  un retour à un état antérieur à leurs difficultés. On ne parle pas ici nécessairement de guérison mais de qualité de vie appréciable et satisfaisante sur divers aspects pour la personne.

Il en va de même pour  le rétablissement des familles et membres de l’entourage. Pour certains le processus s’arrête au moment où ils trouvent l’équilibre dans la tourmente.

Pour d’autres, ce parcours ouvre la porte sur le désir de faire avancer les mentalités, de changer les pratiques et transformer les soins en santé mentale. Pour ces personnes c’est dans ce lieu que se loge l’espoir. Ils deviennent alors des « P » Partenaires du modèle CAP à part entière dans l’organisation des soins en santé mentale. On les retrouve là où les décisions se prennent. Exemple : Comités, Table de concertation…

Ils portent non seulement leur parole et leur savoir expérientiel mais ils deviennent les porte-voix de tous les membres de l’entourage.

Précédemment,  je vous disais qu’il fallait supporter les désirs et les buts de nos proches. Mais une fois cela nommé et pour que ces souhaits et ces efforts se matérialisent, il faut faire en sorte que les mots se transforment en actions. À mon avis, pour maintenir l’espoir il faut lui donner un petit coup de pouce. Et chacun peut y mettre du leur. Professionnels de la santé, gestionnaires, décideurs politiques, familles et membres de l’entourage et bien sûr nos proches.  Toutes les sphères de la société sont concernées et doivent être mis à contribution. Les milieux du travail, de l’éducation, de l’habitation…, tous doivent être contaminés par nos valeurs.

Tel un feu attisé par notre persévérance, notre ténacité et notre patience, l’étincelle d’un germe d’espoir se transforme parfois en brasier. C’est ce que je nous souhaite à tous.

MERCI ET BONNE CONTINUITÉ DANS L’ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES, MEMBRES DE L’ENTOURAGE ET DE LEURS PROCHES.

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Aimer dans le respect

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Aimer dans le respect et dans l’écoute des limites de son conjoint. Le processus de rétablissement, un travail d’équipe pour le mieux être de toute la famille. Un témoignage de complicité porteur d’espoir. Luc Vigneault, pair-aidant et conférencier.
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Fier de faire une différence ! | Conférence d’Emmanuelle Saulnier Leclerc

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À vingt-cinq ans, Emmanuelle aime dire qu’elle a quinze années d’expérience dans son domaine d’emploi grâce à son vécu en santé mentale. À ses lunettes de personne ayant un savoir expérientiel, s’ajoutent celles de membre de l’entourage et de travailleuse dans le domaine. Ses sphères d’implication sont guidées par la poursuite de rapports collaboratifs, inclusifs et égalitaires de la participation citoyenne en santé mentale. Elle souhaite contribuer à la valorisation du savoir expérientiel des jeunes québécois et québécoises et à sa mise en commun avec les autres types de savoirs dans la sphère publique. Elle partage aujourd’hui son vécu en santé mentale pour plusieurs raisons : - Pour garnir le panorama des différents visages et de la diversité de parcours qu’un rétablissement en santé mentale peut prendre; - Pour aiguiller ceux et celles qui veulent contribuer au rétablissement de membres de leur entourage; - Et, surtout, pour faire valoir que vivre ou avoir vécu des difficultés reliées à sa santé mentale n’est pas seulement synonyme de temps perdu ou de souffrance. En bref, pour démontrer que la parole des personnes ayant un savoir expérientiel est non seulement utile à la société, mais aussi nécessaire.
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Fier de faire une différence!-Conférence Jean-Philippe Dion, porte-parole de CAP santé mentale

Fier de faire une différence!-Conférence Jean-Philippe Dion, porte-parole de CAP santé mentale

Depuis plus de 20 ans, Jean-Philippe vit avec une mère extraordinaire aux prises avec une maladie mentale. Il a choisi de faire une différence en s’impliquant à titre de porte-parole, car sensibiliser le public à cette cause bien personnelle est important pour lui. «En me préparant pour ces conférences, je me disais que j’allais pouvoir constater à quel point la santé mentale n’est plus un tabou chez les jeunes et à quel point les étudiant(e)s sont sensibilisé(e)s à cette fichue maladie. Je me suis trompé. On a encore du travail à faire pour que les jeunes parlent de leur état de santé, et que ceux qui les accompagnent pensent à demander du soutien. Non seulement les troubles mentaux représentent la première cause d’hospitalisation chez les 15 à 24 ans, mais ils sont aussi moins portés à aller chercher de l’aide professionnelle. L’aide existe tant dans les milieux scolaires que dans la communauté, mais il est difficile de faire connaitre les ressources me dit-on. Pour permettre à des personnes comme Cathy et Emmanuelle de cheminer dans leur rétablissement, il faut apprendre à faire équipe avec eux. Pour y parvenir, les membres de l’entourage doivent eux aussi apprendre à préserver leur équilibre et à ne pas avoir peur de poser des questions pour comprendre la maladie.»
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La place de la famille dans le rétablissement

La place de la famille dans le rétablissement

Dr Marc-André Roy, médecin psychiatre à l'Institut universitaire en santé mentale de Québec. En regard de leur rôle d’accompagnateur, la présence des membres de l’entourage est très importante dans le rétablissement de la personne atteinte de maladie mentale comme l’explique le docteur Marc-André Roy. « (…) On peut diminuer le taux de rechute, le taux de réhospitalisation de façon assez draconienne si on implique la famille. »
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