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La maladie mentale: J’ai le droit de… prendre mes responsabilités!

Parution dans Le Droit | Édition du 12 janvier 2002
Parution dans Les Nouvelles St-Laurent | Édition du 20 janvier 2002
Parution dans La Voix de l’Est | Édition du 26 janvier 2002
Parution dans Progrès-Dimanche | Édition du 27 janvier 2002

Québec, le 8 janvier 2002 – Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Heureusement, puisque la vie est basée sur le changement et l’évolution des sociétés. Cependant, lorsque l’on parle des maladies mentales, dans la tourmente des réformes gouvernementales, il nous arrive quelquefois de rechercher la notion évolutive. Pourquoi donc??

Du régime médical oppressant des années 40 à la transformation des services de santé mentale des années 2000, il y a eu un mouvement de changement important. Mais sous les apparences du bien-fondé des diverses opérations voulant mener à la réinsertion sociale des personnes atteintes de maladie mentale se cachent des milliers de familles et amis qui sont accablés de responsabilités morales. Par ailleurs, le phénomène de l’itinérance, qui fait la Une des journaux des derniers jours, n’étonne pas. En fait, à la lumière dont les décisions politiques sont prises, il ne faut pas être grand Manitou pour comprendre que ce résultat était prévisible.

Les ressources dans la communauté sont insuffisantes. Les membres de l’entourage sont épuisés au point où leur détresse émotionnelle est trois fois plus élevée que celle de la population en général. Voici quelques données d’intérêt pour mieux comprendre l’état de la situation:

  • 55% des personnes atteintes de maladie mentale demeurent dans leur famillle;
  • 40% des membres de l’entourage accordent plus de 36 heures/semaine à leur proche… un travail à temps plein;
  • 85% des femmes sont au coeur du soutien;
  • 86% de ces dits « aidants » se sentent tendus ou sous pression;
  • 74% des proches sont découragés et déprimés.

Nous pourrions facilement allonger cette liste de statistiques…

Cette dure réalité nous permet vite de constater que la «pseudo» reprise de liberté des uns, qui n’a pas été suffisamment soutenue par l’État, a occasionné l’oppression chez les membres de l’entourage… une évolution que l’on pourrait qualifier de sélective.

Dans son grand livre, la société occidentale prône la liberté, la démocratie et les droits. Tout le monde est pour la vertu et à raison, nous acceptons ces principes qui doivent guider notre collectivité. « J’ai le droit de… » est un début de phrase populaire qui s’inscrit dans notre langage courant. Les enfants, les adolescents et les adultes l’utilisent fréquemment. L’expression « J’ai le devoir de… » est, quant à elle, beaucoup moins populaire. Les droits: oui toujours plus. Les devoirs et les responsabilités: pas trop.

Or, lorsque l’on parle de maladies mentales, nous parlons de plus en plus des droits des personnes atteintes qui, soit dit en passant, sont tout à fait légitimes. Cependant, compte tenu que les services dans la communauté ne sont pas suffisamment développés pour répondre à leurs besoins, leurs droits se convertissent malheureusement en responsabilités démesurées pour les membres de l’entourage. Un effet de balancier qui se vit de façon très malsaine. À preuve, lorsque les familles et les amis sont épuisés, les personnes atteintes de maladie mentale n’ont souvent d’autre choix que de se retrouver à la rue et vivre dans des conditions insalubres.

La question que l’on doit se poser est la suivante: connaissant l’historique de la transformation des services de santé mentale, à partir de maintenant, que pouvons-nous faire pour arriver à atteindre l’objectif initial qui était de permettre aux personnes atteintes de maladie mentale de reprendre le contrôle de leur vie et ce, tout en respectant leur environnement?

D’une part, tous les partenaires conviennent que le gouvernement fait preuve de laxisme et qu’il n’assume pas financièrement les orientations qu’il a pourtant supportées; autrement dit, il fait fi de ses responsabilités!!! D’autre part, le Québec maintien le cap sur l’approche médicale et n’ose confronter les idéologies. Cette façon de faire a pour effet d’encourager la polarisation des approches, d’où génèrent les déchirements entre les partenaires et le maintien des allocations dans le secteur public.

Les grands perdants sont sans contredit les personnes atteintes et les membres de leur entourage. Pendant que les corporations se déchirent et que le gouvernement retient les allocations, les gens souffrent. Le quotidien de Mme Tremblay est lourd. Elle-même fragile émotivement, elle doit supporter un fils qui souffre de schizophrénie; tantôt elle l’héberge et le nourrit, tantôt elle lui allonge 20$, tantôt elle doit faire des démarches pour l’obtention d’une requête pour une évaluation psychiatrique (l’absence de services ayant favorisé la crise), et j’en passe… Bref, un quotidien difficile qui ne fait l’envie de personne.

De l’apitoiement?? Des lamentations?? Non, juste la réalité. À partir d’aujourd’hui, il faut bousculer, provoquer les vrais changements. Il faut que le gouvernement oblige les partenaires provinciaux à s’asseoir ensemble pour entreprendre un vrai débat de fond sur les approches en psychiatrie. Les disparités régionales sont criantes, le saupoudrage d’argent en santé mentale est dérisoire, sans oublier les chicanes corporatives du réseau public et communautaire qui sont omniprésentes. Depuis nombre d’années, des écrits et des principes élogieux garnissent nos bibliothèques, il faut maintenant aller plus loin. Il faut faire en sorte qu’avec l’argent disponible, nous soyons capables de façon honnête de revoir nos pratiques et voire même de redistribuer les allocations.

Pour qui devons-nous faire cette opération? Pour des milliers de personnes qui souffrent en raison du fait qu’on a collectivement oublié que les droits sont aussi accompagnés de responsabilités. C’est vrai pour les personnes et les corporations, mais aussi pour le gouvernement!!

Hélène Fradet, directrice
Fédération des familles et amis de
la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM)

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